samedi 6 décembre 2008

Choisir son kayak et sa pagaie

L'article ci dessous est une transcription résumée d'un exposé de Nigel Dennis que l'on peut trouver dans la vidéo (en anglais) « Rough Water Handling » réalisée par Olly Sanders.
Nigel Dennis est à la fois concepteur et fabricant de kayaks de mer, dont l'Explorer et le Romany. Il a aussi à son actif de nombreuses expéditions.
Ses explications sur les principes de conception de ses bateaux sont de nature à éclairer nos choix lors de l'acquisition d'un bateau ou d'une pagaie. C'est pourquoi j'ai retranscrit ici les points saillants de son exposé.

1/ Sur la conception des embarcations:
  • la forme de la coque:le pont avant abaissé doit tout en permettant de caser pieds, jambes et genoux de réduire la prise au vent. Le giron («rocker»), c'est à dire la courbure de la coque dans la longueur, permet d'améliorer la manoeuvrabilité mais diminue la vitesse. Le plus plat la coque dans son milieu, le mieux pour surfer. Les bouchains selon qu'ils sont vifs ou doux contribuent à la vitesse mais en affectant la stabilité primaire.
  • le siège: il doit être relevé sur l'arrière afin de permettre une position sur l'avant (dynamique et permettant de mieux contrôler la gîte avec les hanches) plutôt qu'avachie sur l'arrière (et ne permettant pas de jouer aussi bien avec les hanches). Les sièges en mousse, reposant sur le fond du bateau, sont généralement plus bas que les sièges en polyester. Ils permettent d'abaisser le centre de gravité mais au détriment de la position car ils sont généralement plats. Il importe donc de personnaliser son siège s'il est en mousse en le relevant à l'arrière. De même il importe de placer des calages de hanches dans le cockpit afin de ne pas glisser et de mieux faire corps avec son bateau. Pour éviter la sciatique, placer un support en mousse devant le siège pour supporter les cuisses.
  • la forme du pont avant: la forme en V du pont permet une meilleure évacuation de l'eau quand on le vide
  • le pont arrière et la partie arrière de l'hiloire abaissés: facilitent l'esquimautage en permettant au kayakiste de se coucher en arrière sur le pont, abaissant par là le centre de gravité
  • la pointe avant relevée: permet d'une part de donner plus de volume à l'avant pour éviter d'enfourner dans les vagues (risque de chandelle en surf) et d'autre part de faciliter l'esquimautage (elle va avoir tendance à se relever). La pointe arrière relevée facilite aussi l'esquimautage
  • le grand hiloire ou «keyhole« cockpit (littéralement en forme de «trou de serrure») : similaire à l'hiloire des kayaks de haute rivière, il facilite l'entrée ou la ré entrée dans le bateau (voir les manoeuvres de ré entrée de la vidéo précédente) et la sortie (par exemple à l'arrivée sur une plage dans les vagues). En outre il permet un meilleur calage des genoux sur les cotés
  • la cloison entre la trappe de jour et le cockpit: la cloison doit être proche du cockpit et inclinée de manière à faciliter l'évacuation de l'eau lors du vidage (à défaut une quantité d'eau non négligeable reste coincée derrière le siège)
  • la trappe de jour: elle doit être accessible en mer, d'où sa séparation d'avec la trappe arrière: dans le cas d'un remplissage intempestif (vague, retournement) seul le petit caisson de jour prend l'eau
  • trappes ovales ou trappes rondes: pour autant que les couvercles de trappe soient bien étanches, il se forme soit une surpression soit une dépression dans le caisson avec les différences de température. Ce phénomène va engendrer une déformation du couvercle de trappe (renflement, gonflement) qui va plus facilement décoller le couvercle et nuire à son étanchéité dans le cas d'une trappe ovale (décollement des bords de la grande longueur) que dans le cas d'une trappe ronde (tension équilibrée). Les trappes rondes nécessitent de repenser la taille et le rangement des sacs étanches.
  • la cloison avant: peut et doit être positionnée en fonction de la longueur des jambes afin de maximiser la taille du caisson avant, d'installer une pompe à pied à la bonne distance, et permet si sa position est individualisée, de supprimer les cale pieds
  • la dérive: Nigel Dennis a conçu un boîtier de dérive facilement remplaçable et étanche par conception. Ce boîtier peut en outre accepter au choix, soit une commande mécanique (par câble), soit une commande hydraulique (permettant une commande à pied). De l'espace a en outre été laissé à l'intérieur du boîtier pour que le câble puisse remonter en cas de choc sur la dérive sortie, évitant ainsi de l'endommager.

En conclusion, un bateau est nécessairement un compromis et tout dépend du type d'usage qu'on envisage. Il en est de même pour la mer que pour la rivière: un bateau sera d'autant plus maniable, stable et adapté à des mers formées qu'il est court et large, qu'il a du giron et qu'il dispose de bouchains doux («soft chines»). A l'inverse, plus le bateau est long, étroit, sans rocker (fond le plus plat possible entre les 2 pointes), avec des bouchains vifs («hard chines»), plus il sera rapide mais instable, au moins au niveau de la stabilité primaire.


2/ Sur le choix des pagaies:

  • longueur des pagaies: une pagaie longue induit une moindre cadence de pagayage (par exemple pour de longues distances en randonnée), une pagaie courte est plus adaptée à une cadence rapide (par exemple pour relancer le bateau et lui donner des accélérations dans le surf ou une mer hachée et difficile). Nigel Dennis la compare à une boite de vitesses de voiture. Bateau chargé et lourd à déplacer: petite vitesse, pagaie courte. Longues distances, longues journées: vitesse élevée, cadence lente, pagaie longue. L'idéal est d'utiliser une pagaie réglable en longueur pour l'adapter au type de navigation ou à l'état de la mer.
  • la forme et la surface des pales: une fois un type de pagaie choisi mieux vaut éviter d'en changer. Par exemple passer de la Touring à la Nordkapp de Lendal (plus carrée, plus de surface) nécessite un réajustement de la façon de pagayer. En revanche dans une même catégorie (par exemple la gamme Touring), il peut être intéressant de passer à une surface de pelle inférieure ou supérieure en fonction de sa forme physique ou du type de navigation envisagé.
  • la forme du manche: choisir de préférence un manche plus étroit aux niveau des prises de main car plus adapté à de petites mains (rien n'est pire pour les tendons qu'un manche trop large). Il est plus facile de rajouter un peu d'épaisseur pour ceux qui ont de grandes mains que d'en enlever. Les pagaies ergonomiques permettent de réduire les torsions du poignet. Attention toutefois à l'espacement des prises de main: il est recommandé de pagayer avec une pagaie droite quelque temps afin de mesurer l'écartement idéal et de l'indiquer au vendeur lors du montage de la pagaie. En conclusion, la pagaie est un outil qui doit être personnalisé, bien que ce soit rarement le cas.
  • le poids et la matière: il faut savoir que les pagaies carbone si elles sont plus légères sont aussi plus rigides et peuvent par voie de conséquence aussi entraîner plus de tendinites. Plus légères, elles sont aussi plus sensibles au vent (risque d'arrachage)


La recommandation de Nigel Dennis est d'avoir 2 pagaies différentes (en longueur et en surface de pelle) correspondant à des besoins ou des situations différents, plutôt que d'avoir une pagaie de secours (généralement notre vieille pagaie) identique à la pagaie courante.


Source: Rough Water Handling, DVD par Olly Sanders, production Rock and Sea

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